Artiste, écrivaine et poétesse franco-allemande
Née le 23 avril 1941 à Breslau en Allemagne (Wroclaw après 1945), morte le 8 novembre 2018 à Montpellier, à l’âge de 77 ans.
Lena Vandrey est à l’origine d’une œuvre immense – sculptures, dessins, constructions, collages, installations – qui traverse la seconde moitié du XXe siècle et qui la positionne dès les années 1970 comme l’une des artistes attitrées du mouvement féministe. Amie de Monique Wittig, Antoinette Fouque, ou encore Niki de Saint Phalle, mannequin pour Ungaro, interprète pour Interpol, Lena Vandrey naît dans une Pologne occupée par l’Allemagne nazie en 1941. Après une enfance passée à Hambourg, Lena Vandrey profondément marquée par les cicatrices de l’après-guerre quitte à 18 ans le « pays de l’amnésie et du miracle économique » pour la France.
Après quelques années à Paris, au cours desquelles elle fréquente certains milieux artistiques et littéraires et exerce différents petits métiers, elle découvre le sud de la France où elle s’installe. Dès la fin des années 1960, elle y restaure et reconstruit au fil des ans la Bastide des Planes, près de Barjac (Gard). Dès lors, ce lieu devient partie intégrante de son œuvre. De cet abri, lieu de création, espace d’émulation artistique et littéraire qui accueille les discussions passionnées entre artistes, écrivaines et militantes, Monique Wittig dira : « Les Planes est un haut lieu politique pour nous et devra le rester ».
L’œuvre de Lena Vandrey, de par son intérêt profond pour l’histoire des femmes et par l’importance donnée à des figures féminines puissantes, est indissociable de son engagement féministe. Après sa rencontre avec Monique Wittig dans les années 1960, les deux femmes se retrouvent régulièrement autour de différents projets. Dans les années 1970, Lena Vandrey illustre les couvertures des livres de Monique Wittig et Sande Zeig, (Brouillon pour un dictionnaire des amantes, 1975 paru en allemand sous le titre de Lesbiche Völker, 1983 ou encore Les Guérillères, 1965) et à l’inverse Monique Wittig écrit pour elle des textes, notamment pour le Cycle des amantes imputrescibles paru en 1974. Elles collaborent ensemble à la pièce de Monique Wittig Le Voyage sans fin en 1985, pour laquelle Lena Vandrey imagine costumes et décors.
Les œuvres de Lena Vandrey sont présentées en France, en Suisse ou encore en Allemagne. En 1974, elle expose à la Galerie Iris Clert aux côtés de Meret Oppenheim, Louise Nevelson ou encore Shirley Goldfarb. Cette grande sensibilité aux œuvres de ses consœurs mais aussi son intérêt pour le mouvement féministe aux Etats-Unis l’amène en 1988 à exposer au prestigieux Woman’s Building de Los Angeles. Elle expose une œuvre, Kaiserinnen (Les Impératrices), au cœur de ce qui représente pour Gloria Steinem, un véritable « symbole féministe ».
En 1985 lorsque s’ouvre à Nairobi la 3ème Conférence mondiale sur les femmes, dans le cadre de la Conférence mondiale pour le suivi et l’examen des réalisations de la Décennie des Nations Unies pour la femme : égalité, développement et paix, Yvette Roudy alors ministre des droits de la femme envisage la création de ce qui deviendra la fondation Camille, créée par Michelle Coquillat. Dans ce groupe de réflexion sont conviées Ruth Francken et Lena Vandrey. Lena Vandrey est chargée de proposer à Niki de Saint Phalle de devenir présidente de la Fondation. Niki de Saint Phalle déclinera la proposition mais cette rencontre donnera naissance à une belle et longue amitié entre les deux artistes.
En 2002 elle fonde aux côtés de sa compagne Mina Noubadji-Huttenlocher son propre Musée qu’elle pense aussi comme un lieu d’accueil pour les femmes d’art et de culture à la manière d’une Académie Médicis. Le Musée-Lena-Vandrey, ou « Musée des Anges » s’incarne dans un hôtel particulier du XVIIIe siècle au cœur de Bourg-Saint-Andéol, en Ardèche. Inscrit au Répertoire de la Fédération Nationale des Maisons d’Ecrivains et Patrimoine Littéraires, le Musée qui est aussi la maison de l’artiste abrite aujourd’hui près de 900 œuvres, dont l’agencement a été entièrement pensé par Lena Vandrey.
Aujourd’hui, la Bibliothèque Marguerite Durand (BMD) à Paris, seule bibliothèque publique française consacrée au féminisme, à l’histoire des femmes et du genre conserve la riche correspondance échangée entre Lena Vandrey et ses illustres consœurs : Monique Wittig, Christine Delphy ou Marie Chaix.
En 2022, le Palais idéal remet à l'honneur l'œuvre de Lena Vandrey dans le cadre de l'exposition Insomnia, au Château de Hauterives du 11 juin au 28 août 2022
Article de Laurie Cheval-Bianco
Coordinatrice artistique au Palais idéal du facteur Cheval
Notice rédigée pour Si/si, les femmes existent à l'occasion de la première rétrospective posthume consacrée à l'artiste
au château de Hauterives au cours de l'été 2022.
En savoir +
« C’est seulement en harmonie avec ma vie que j’ai pu trouver mes images et mes poèmes. Chaque œuvre d’art, chaque objet, chaque sculpture, chaque tableau ancien, chaque fenêtre et chaque mur était la condition d’une expression poétique »
Lena Vandrey
Paradigmen der unbequemen schönheit, 1986
« Le féminisme a été la grande aventure de ma vie »
Lena Vandrey
Insomnia, 2000
1 - Les anges à Jérusalem, 1999 © musée Lena Vandrey. 2 - Sans titre, 1983 © musée Lena Vandrey. 3 - Installation boîtes, dates diverses, © rétrospective Château de Hauterives, photo Origins Studio
Quelques photos de l'exposition Insomnia
1 - Sans titre (cycle Votifs), entre 2000 et 2010 © Musée Lena Vandrey. 2- Sans titre (Cycle dessins), entre 2005 et 2015 © Musée Lena Vandrey. 3 - Sans titre (installation cheminée), ensemble d'œuvres réalisées entre 1998 et 2018 © Musée Lena Vandrey. 4 - Jeanne 1, 2006 © Musée Lena Vandrey. 5 - Apparaît comme l’épure de tout, 2004-05 © Musée Lena Vandrey. 6 - Dessins issus des carnets de Lena Vandrey tirés en grand pour l'exposition Insomnia et adaptés aux moulures du château.