Romancière, archiviste, journaliste et résistante française
Née le 23 janvier 1909 à Monte-Rouge (Hauts-de-Seine), décédée le 7 décembre 1970 à Paris, à l’âge de 61 ans.
La vie d’Edith Thomas, archiviste, journaliste et écrivaine, est tout entière construite autour de son besoin de vérité et de cohérence, inspirant l’admiration ou le rejet, elle a été une figure marquante de la vie intellectuelle française et de la Résistance.
Née à Montrouge en 1909, fille d'un père ingénieur agronome et d'une mère institutrice, Édith Thomas se convertit à l'âge de seize ans au protestantisme, parce qu'elle se sent proche du parcours dissident des huguenots. Elle perdra, cependant, définitivement la foi en devenant adulte.
Diplômée de l'École des Chartes en 1931, elle devient archiviste-paléographe, c’est-à-dire spécialiste des écritures anciennes..
Mais atteinte de tuberculose osseuse, elle doit rester alitée pendant plus d’un an dans de terribles douleurs et frôle la mort. Cette expérience la laisse boiteuse à vie et plonge son être dans des états de dépression récurrents. Cependant comme le dira une de ses amies, Yvonne Lanhers, "Paradoxalement, alors qu'elle était fondamentalement malheureuse et dépressive, elle pétait le feu" (citée par Dorothy Kaufmann in Edith Thomas passionnément résistante). Edith Thomas transcende l’épreuve de la maladie dans La Mort de Marie, prix du Premier roman en 1933 décerné par une revue de droite, La Revue Hebdomadaire. En réaction, en 1934, elle adhère à l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires que, déçue, elle quitte quelques mois plus tard.
Elle se sent proche des idées communistes, mais redoute de perdre sa liberté de pensée et son esprit critique. Les années 30, sont pour elle celles de l’engagement politique indissociable de sa quête morale. Elle s’intéresse à toutes les inégalités et discriminations et après un voyage en Algérie en septembre 1934, affiche violemment son anticolonialisme.
En 1935, elle se lance dans le journalisme, en collaborant au quotidien communiste Ce Soir et aux revues de gauche Commune, Vendredi, Europe et Regards. Elle fait notamment des reportages sur la guerre civile en Espagne.
En 1939, elle rechute et souffre cette fois d’une tuberculose pulmonaire. Elle doit être soignée à Arcachon jusqu’en septembre 1941. Elle livre à son Journal durant cette période son refus du pacte germano-soviétique et, dès l'armistice, son rejet de l'ordre nouveau et de la collaboration. Désireuse de passer l’action, mais confinée dans sa chambre de malade, elle se lance dans la rédaction du journal satyrique d’un collaborateur, Le Journal intime de Monsieur Célestin Costedet. De retour à Paris, elle entre dans la Résistance. Elle devient membre du Comité national des écrivains, toutes ses réunions se tiendront chez elle. Le CNE œuvre à diffuser une littérature alternative à la littérature officielle et une autre vision de la réalité que celle proposée par la propagande collaborationniste.
Elle était considérée comme « la cheville ouvrière » du CNE, celle qui «assurait toutes les liaisons indispensables» (Claude Morgan, membre fondateur du CNE). Elle contribue aux productions clandestines des Editions de Minuit avec ses Contes d'Auxois et plusieurs poèmes pour l'anthologie L'Honneur des poètes. En 1942, au moment où c’est le plus dangereux de le faire, elle adhère au Parti communiste interdit en 1939 après la signature du Pacte germano-soviétique par gouvernement Daladier. En outre Edith Thomas est une des rares à avoir parler de déportation pendant l’Occupation.
Elle quitte avec éclat le Parti communisme en 1949 à la suite de l'affaire Tito.
Sa vie va devenir alors très compliquée. Elle est ostracisée par le PC qui l’attaque violemment dans la presse et boycotte la diffusion de ses ouvrages. Après la tournure dictatoriale que prend également le gouvernement de Tito, elle renonce aux idées révolutionnaires tout en conservant ses valeurs de gauche, et s’engage dans la défense des droits humains, en particulier ceux des femmes. En continuant son travail d'archiviste aux Archives Nationales, elle consacre l’essentiel de la dernière partie de son œuvre à réhabiliter de grandes figures de femmes.
Tiraillée entre ce qu’elle nomme son « cerveau d’homme, son corps de femme et son genou de vieillard » elle a des relations amoureuses compliquées avec les hommes, et bien que se sentant profondément hétérosexuelle, elle vivra sa plus grande histoire d’amour avec une femme, Dominique Aury, l’autrice d’Histoire d’O, par ailleurs maîtresse du puissant éditeur Jean Paulhan. « Que tu sois un homme ou une femme peu m’importe. J’aime tes caresses et la beauté de ton corps, et la beauté de ton front et de tes yeux. Et aussi cet abandon que je te fais et que tu me fais. Cette loyauté et cette équité entre nous mon amour. », écrit-elle à son amante en février 1947.
Dominique Aury s’est inspirée d’Edith Thomas pour le personnage d’Anne-Marie dans Histoire d’O. Et le pseudonyme de Pauline Réage sous lequel elle fait paraître son roman érotique doit beaucoup au fait qu’Edith Thomas était alors en train de travailler sur la féministe socialiste, Pauline Roland (Pauline Roland : socialisme et féminisme au XIXe siècle, éd. Marcel Rivière, 1956).
NB : Cet article doit beaucoup à la formidable biographie de Dorothy Kaufmann, Edith Thomas, passionnément résistante), éditions Autrement, 2007.
En savoir +
"Je ferai ma propre liberté."
Edith Thomas
Eve et les autres (1952)
" C'est un devoir de lucidité tranquille, de tenter de définir ce qui est en soi-même spécifiquement "féminin", c'est-à-dire biologique et éternel, de ce qui est acquis par l'éducation, les préjugés du milieu, les convenances ou les inconvenances déterminées par les premières. Plus encore que l'homme, la femme nouvelle est à créer. Elle naît déjà : c'est un être qui travaille, qui est mêlé à la vie sans médiateur, qui se construit de ses propres mains, qui a conquis son autonomie."
Edith Thomas
in journal Commune, n°48, août 1937