Sociologue et résistante française
Née le 31 mai 1923 à Paris
Marie-José Chombart de Lauwe nait Marie-José Wilborts nait le 31 mai 1923 à Paris (XVIème). En 1936 sa famille s’installe dans l’île de Bréhat, sur les côtes d’Armor et elle fait ses études secondaires par correspondance avant d’entrer à la faculté de médecine de Rennes. Comme étudiante elle obtient un «Ausweiss» (laissez-passer) qui lui permet de circuler en zone interdite sur la côte.
Sa mère et son père médecin, fondent un groupe de reconnaissance nommé La bande à Sidonie, qui, en 1941, est intégré dans l’organisation de résistance Georges France 31. Ce réseau, précurseur du mouvement de résistance Buckmaster est spécialisé dans l’aide aux évadés. Marie-José y adhère, circule, observe et livre d’importantes informations sur l’organisation des défenses côtières.
En mars 1942, les concepteurs de ce réseau sont arrêtés à Rennes. Pour poursuivre le travail, les membres restants prennent contact avec un autre groupe similaire mais ils sont trahis par un agent double infiltré. Marie-José, ses parents et quatorze autres de ses ami.es sont arrêté.es.
Elle a 19 ans quand la Gestapo vient frapper à la porte de sa chambre à Rennes pour l’enfermer dans la prison locale. Le 23 mai 1942, elle est transférée à la prison d’Angers pour des interrogatoires, prison dans laquelle sa mère est également détenue. Deux mois plus tard, le 17 juillet, elle est transférée à la prison de la Santé où sont déjà les résistantes Marie-Claude Vaillant-Couturier et France Bloch-Sérazin puis à Fresnes le 12 octobre 1942. Interrogée au quartier général de la Gestapo rue des Saussaies le 7 janvier 1943, on écrit en février sur la porte de sa cellule les lettres « NN ». Elle fut donc classée en tant que «Nacht und Nebel», prisonnière dite «Nuit et Brouillard». Le 26 Juillet 1943 elle est transférée au camp de concentration de Ravensbrück avec sa mère où elle est assignée à un commando de travail pour la production de petites pièces électroniques pour Siemens. Avec d’autres prisonnières «NN», ainsi que d’autres femmes qui étaient employées comme cobayes pour les pseudo- expériences médicales nazies, elle est soustraite de ce commando et assignée à différentes baraques pour le transport de la nourriture.
En septembre 1944, du fait de ses études médicales, elle est affectée à la «Kinderzimmer» quartier pour les bébés. La plupart des nourrissons meurent; mais un certain nombre d’entre eux sont sauvés grâce à la solidarité du personnel. Expérience terrible: «les crimes commis sur les nouveaux-nés étaient presque inimaginables : ou bien ils étaient tués dès la naissance, ou bien on les gardait vivant dans des conditions si mauvaises que la survie au-delà de douze mois était improbable».
En 1945, comme le camp de concentration de Ravensbrück est surpeuplé et que les troupes alliées avancent elles partent pour Mauthausen. entassées dans des wagons et le
voyage dure trois jours. Après son arrivée à Mauthausen, le train reste à l’arrêt un jour et une nuit avant que les femmes puissent en descendre pour marcher jusqu’au camp approximativement à 5
km de la gare. Elles ne savaient pas ce qui les attendait et elles craignaient le pire. Marie-José décrit ainsi leur arrivée :
" Quand nous vîment le camp, il était comme une forteresse tout illuminée. Après être entrées par le portail, nous avons attendu très longtemps, pleines de crainte, pour prendre une
douche. Nous ne savions pas s’il s’agissait d’une chambre à gaz ou non. Mais après la douche, le premier groupe ressortit du bâtiment. A l’intérieur, des détenus hommes épouillèrent le groupe –
un acte humiliant pour les femmes. (…) Nous nous sommes mises à courir. Nous avons été assignées aux blocs 16, 17 et 18."
Marie-José et d’autres détenues «NN» furent sélectionnées pour le travail forcé dans le commando de Amstetten, mais doivent retourner au camp central chaque soir. Au cours des raids aériens des 21 et 22 mars 1945 sur Amstetten, de nombreuses personnes furent tuées ou blessées et Marie-José fut au nombre de celles qui organisèrent une sorte d’infirmerie dans le bloc 16 pour prendre soin des blessées.
Au début du mois d’avril, les femmes des blocs 16, 17 et 18 sont déménagées dans une grange à foin dans laquelle elles n’ont ni eau courante ni toilettes. Il n’y a que très peu de place et la nourriture est encore plus pauvre que dans le camp principal. De nombreuses femmes contractent la tuberculose, le typhus et des diarrhées chroniques accompagnées de fortes fièvres et de douleurs abdominales. Marie-José elle-même tombe malade. Mais elle fait usage de ses compétences médicales pour soigner les malades et les blessées. " Des jours sans fin s’écoulèrent et nous avions le sentiment d’avoir été entraînées dans une détérioration qui ne devait pas s’interrompre. Les Alliés avançaient, mais arriveraient-ils à temps pour nous secourir ? Les SS n’allaient-ils pas nous exterminer, juste à temps pour empêcher notre libération… ? Nous étions submergées de peur. "
En fin de compte, Marie-José Chombart de Lauwe et sa mère sont confiées à la Croix Rouge le 22 avril 1945 et rapatriées en France.
Elle a à peine 22 ans. Son père ne revient pas. Il est mort au camp de concentration de Buchenwald. Le retour est difficile:
" Nous devions retrouver notre identité perdue, lâcher les vannes afin de laisser derrière nous le monde du camp de concentration et nous mettre à revivre, et retrouver la sorte de
vie normale dont nous avions été arrachées. Sans nous en apercevoir, nous étions toujours en train de porter le fardeau de nos amis disparus, et, ce qui était encore plus lourd, le reflet du mal
que ceux qui nous accueillaient au retour pouvaient percevoir à notre apparence. "
Après la guerre, Marie-José reprend ses études et obtint son doctorat en psychologie de l’enfant. Elle fait la connaissance du sociologue Paul-Henry Chombart de Lauwe, un pionnier dans cette discipline et l’épouse. Lui-même a été un combattant de la Résistance et pilote dans la Royal Air Force.
Cinq ans après la libération, elle témoigne au procès tenu à Rastadt contre Fritz Suhen, l’ancien commandant du camp de concentration de Ravensbrück.
En 1954, elle est recrutée au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) où on lui confie un groupe d’enfants inadaptés. Comme Directrice de recherche en psychologie sociale, elle se spécialise dans les domaines de l’enfance et de l’adolescence et dirige un séminaire de psychologie sociale pour des doctorants à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes à la Sorbonne.
A l’occasion de la guerre d’Algérie, René Mirande et elle-même prirent position publiquement contre l’usage de la torture. Dans les années 1980, elle publia deux livres politiques sur la démocratie, le fascisme et l’extrémisme.
Article rédigé par Danièle Soubeyrand
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" Ma mère m'a transmis en héritage cette idée que les femmes avaient le droit à l'égalité. Qu'elles avaient une destinée autre que celle d'enfanter, de materner et de servir docilement leur mari, seigneur et maître."
"De cette époque où m'a été déniée mon humanité, je garde en moi une défiance, une révolte que je souhaite transmettre."
Marie-José Chombart de Lauwe
Résister toujours, 2015